Quand l’imaginaire d’un écrivain rejoint les données ultérieures de la science…

C’est en visionnant la vidéo ci-dessous, dans laquelle la NASA dévoile des images de la planète Mars, que je me suis souvenue de cette anecdote que raconte Philippe Vidal dans son ouvrage Les histoires inconnues de l’Histoire.
En voici un résumé :
« S’il faut en croire les encyclopédies, c’est en 1877 que furent observées pour la première fois dans l’histoire de l’humanité les deux lunes de Mars, et c’est à l’astronome Asaph Hall que la science devrait cette découverte.

Mais voilà… Si nous acceptons cette thèse officielle, et surtout la date généralement admise pour cette découverte, nous nous retrouvons en face d’une énigme, car l’auteur irlandais Jonathan Swift, dans Les Voyages de Gulliver, évoque lui aussi les deux lunes tournant autour de Mars, mais en… 1726, soit cent cinquante et un ans avant la découverte d’Asaph Hall !

Si l’on se réfère au niveau technologique traditionnellement associé à son siècle, Jonathan Swift ne pouvait disposer d’aucun instrument suffisamment puissant pour réaliser une telle observation ! Alors comment l’auteur a-t-il pu effectuer une pareille description dans son ouvrage ? […] Quelle solution allons-nous proposer ? Allons-nous parler de hasard ?
Dans des impasses similaires, se lève généralement quelqu’un qui propose de tout faire reposer sur la notion éculée, mais ô combien commode, de coïncidence. Cette réponse n’est pas satisfaisante, car si nous reprenons les termes utilisés par Jonathan Swift nous verrons qu’à l’évidence on ne peut pas, raisonnablement, se contenter de parler de coïncidence…

« Les savants de l’île de Laputa ont découvert deux étoiles, ou satellites de moindre importance, qui effectuent des révolutions autour de Mars ; le satellite intérieur est distant du centre de la planète principale de trois fois son diamètre, le satellite extérieur de cinq fois son diamètre. Le premier effectue sa révolution en dix heures et le second en vingt et une heures et demie… »

Comment Jonathan Swift pouvait-il savoir qu’un des deux satellites effectue sa révolution dans un temps double de l’autre(1) ? Comment pouvait-il avoir une connaissance, même approximative, de la distance qui sépare les satellites de la planète autour de laquelle ils tournent inlassablement ? Quel document Jonathan Swift avait-il bien pu consulter pour disposer de pareilles informations ? Ou quel savant avait-il pu lui faire partager ce savoir secret, sans doute conservé et confisqué au profit de quelques rares privilégiés ?
Ces questions, Asaph Hall fut évidemment amené à se les poser au moment de baptiser solennellement les deux astres qui faisaient leur entrée dans le dictionnaire des corps célestes.
Imaginez l’étonnement, l’incompréhension pour ne pas dire l’effroi qui devaient habiter le savant dans cette circonstance… Cent cinquante ans plus tôt un écrivain, qui n’était pas particulièrement versé dans l’astronomie, avait disposé des mêmes informations que lui !
Alors il baptisa du nom de Phobos et Deimos(2) les deux lunes dont il venait de découvrir l’existence… Phobos et Deimos : peur et épouvante… »

Rappelons également que, dans le conte philosophique de Voltaire Micromégas paru en 1752, on trouve de nouveau une allusion aux deux lunes de Mars : les habitants de Sirius ont observé « deux lunes qui servent à cette planète et qui ont échappé au regard des astronomes ». Il est fort probable que Voltaire fut influencé par l'hypothèse de Kepler ou qu’il ait lu Les Voyages de Gulliver...
Malgré tout, les mérites de cette découverte restent attribués à Asaph Hall qui, en 1879, se vit décerner la médaille d’or de la Société Royale d’Astronomie de Grande-Bretagne. Seuls deux cratères sur Deimos portent le nom de... Swift et Voltaire…

(1)Jonathan Swift ne s'est pas trompé de beaucoup en attribuant une période de révolution de 10 heures pour le premier satellite (Phobos, qui tourne en 7h 39 min) et de 21 heures pour la deuxième lune (Deimos, qui tourne en 30h 18 min) !
(2)Les noms de ces deux satellites proviennent de Phobos (peur en grec) et Deimos (terreur en grec), les jumeaux que le dieu Arès (Mars pour les Romains) eut de la déesse Aphrodite (Vénus pour les Romains).
Après cette incroyable histoire, je vous propose une petit virée d'à peine 30 secondes sur la planète Mars...

Bon voyage !
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