9 juillet 2007
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« Oh, Grand-Mère, tu es si belle, tes mains sont si rugueuses, si âpres ! je sais que, par tes mains, tu nous raconteras l’histoire de nos montages. Grand-Mère, tu es si droite ! Grand-Mère, tu ne ris pas ; tu souris presque toujours. Quelquefois, tes yeux s’emplissent de larmes. Silencieuse, tu te déplaces partout. Souriante presque toujours, pleureuse furtivement, parfois, le soir venu. De quelles souffrances parles-tu, Grand-Mère ? »
« Je ne sais pas ce qui s’est passé à la fin de la journée. Le temps s’est de nouveau écoulé. Peut-être rencontrerai-je Jorge ce soir. Je n’ai plus de chagrin. Mais un mystère demeure : le temps. Ça traîne dans ma pensée. Le temps s’en va, il s’arrête, il m’empêchera d’arriver au niveau de Jorge. Mais je suis intelligent, comme dit Papa. Jorge est plus grand, mais j’ai le temps. C’est ça. »
« Les étoiles se sont figées, sérieuses, proches, si humaines que j’en ai éprouvé une légère frayeur. Blotti contre Grand-Père, le regard levé vers son visage, j’ai cru comprendre qu’elles allaient se taire et descendre vers nous à mesure qu’il parlerait. Solennel, les yeux plongés dans les miens, il s’est adressé à moi, presque dans un murmure. Sa main a désigné l’horizon voisin, qu’il a coupé en deux de l’index. Les montagnes ont semblé se séparer pour me faire voir l’endroit où l’apparition qu’il appelait traçait sa route. Loin, très loin, il m’a semblé voir surgir un point obscur. »
Extraits tirés du livre « La montagne ensommeillée – Contes d’une enfance andine » d'Alvaro Escobar Molina.
Publié par Florinette
6 juillet 2007
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![La-vie-devant-soi.png](http://idata.over-blog.com/0/41/68/30/image-couverture/La-vie-devant-soi.png)
![Romain-Gary.png](http://idata.over-blog.com/0/41/68/30/image-ecrivain/Romain-Gary.png)
Éditions Mercure de France, 1975, 270 pages
Prix Goncourt 1975
Roman Gary publie chez Mercure de France en 1975 son second roman sous le nom d'Emile Ajar.
Quatrième de couverture :
« La première chose que je peux vous dire c'est qu'on habitait au sixième à pied et que pour Madame Rosa, avec tous ces kilos qu'elle portait sur elle et seulement deux jambes, c'était une vraie source de vie quotidienne, avec tous les soucis et les peines. Elle nous le rappelait chaque fois qu'elle se plaignait pas d'autre part, car elle était également juive. Sa santé n'était pas bonne non plus et je peux vous dire aussi dès le début que c'était une femme qui aurait mérité un ascenseur. »
C’est une belle histoire d’amour d’un petit garçon, surnommé Momo, pour Madame Rosa, une ancienne prostituée devenue, par la force des choses, sa mère adoptive. Avec son franc-parler, le visage peinturluré, cette vieille femme juive au grand coeur est une survivante des camps d’Auschwitz. Elle habite au sixième étage d’un immeuble sans ascenseur, mais avec son âge avancé elle ne peut plus gravir ces nombreuses marches et préfère rester cloîtrer chez elle dans son « trou juif » que d’aller finir ses jours à l’hôpital, ainsi, elle peut bénéficier du droit sacré « des peuples à disposer d’eux-mêmes » qui n’est pas respecté par L’Ordre des médecins.
« Maintenant le docteur Katz essayait de convaincre Madame Rosa pour qu'elle aille à l'hôpital. Moi, j'avais froid aux fesses en écoutant le docteur Katz. Tout le monde savait dans le quartier qu'il n'était pas possible de se faire avorter à l'hôpital même quand on était à la torture et qu'ils étaient capables de vous faire vivre de force, tant que vous étiez encore de la barbaque et qu'on pouvait planter une aiguille dedans. La médecine doit avoir le dernier mot et lutter jusqu'au bout pour empêcher que la volonté de Dieu soit faite. Madame Rosa est la seule chose au monde que j'aie aimée ici et je ne vais pas la laisser devenir champion du monde des légumes pour faire plaisir à la médecine. »
Alors Momo, avec l’aide du peuple de Belleville résidant dans le quartier, va tout faire pour garder sa nounou en vie « Madame Rosa avait des ennuis de cœur et c'est moi qui faisait le marché à cause de l'escalier. Chaque matin, j'étais heureux de voir que Madame Rosa se réveillait, car j'avais des terreurs nocturnes, j'avais une peur bleue de me trouver sans elle. Je devais aussi penser à mon avenir, qui vous arrive toujours sur la gueule tôt ou tard, parce que si je restais seul, c'était l'Assistance publique sans discuter. »
Mais Momo se sent de plus en plus impuissant devant la lente et pitoyable déchéance de Madame Rosa dont l’issue ne peut être que fatale.
« Lorsque je suis rentré j'ai bien vu que Madame Rosa s'était encore détériorée pendant mon absence. Le docteur Katz est venu la voir et il a dit qu'elle n'avait pas le cancer, mais que c'était la sénilité, le gâtisme et qu'elle risquait de vivre comme un légume pendant encore longtemps. »
Ce livre peuplé de personnages pittoresques et inoubliables, vivants dans une misère cachée, est un magnifique roman triste et drôle. Cette histoire racontée par un enfant avec ses propres mots, dictés par le regard qu’il porte sur la vie, est un cocktail plein d’humanité, de solidarité entre différentes ethnies. À conseiller vivement !
Existe en format poche
![La-vie-devant-soi-poche.png](http://idata.over-blog.com/0/41/68/30/format-poche/La-vie-devant-soi-poche.png)
Ce roman a été porté à l'écran par Moshé Mizrahi en 1977, avec Simone Signoret dans le rôle de Madame Rosa. Pour ce rôle, elle a reçut, en 1978, le césar de la meilleure actrice.
![Affiche-la-vie-devant-soi.png](http://idata.over-blog.com/0/41/68/30/Affiche-de-films/Affiche-la-vie-devant-soi.png)
L'avis de tous celles et ceux qui ont aimé : Sylvie, Kalistina & Patch (si j'en oublie dites-le-moi)
Publié par Florinette
5 juillet 2007
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Je t'attendais ainsi qu'on attend les navires
Dans les années de sécheresse quand le blé
Ne monte pas plus haut qu'une oreille dans l'herbe
Qui écoute apeurée la grande voix du temps
Je t'attendais et tous les quais toutes les routes
Ont retenti du pas brûlant qui s'en allait
Vers toi que je portais déjà sur mes épaules
Comme une douce pluie qui ne sèche jamais
Tu ne remuais encore que par quelques paupières
Quelques pattes d'oiseaux dans les vitres gelées
Je ne voyais en toi que cette solitude
Qui posait ses deux mains de feuille sur mon cou
Et pourtant c'était toi dans le clair de ma vie
Ce grand tapage matinal qui m'éveillait
Tous mes oiseaux tous mes vaisseaux tous mes pays
Ces astres ces millions d'astres qui se levaient
Ah que tu parlais bien quand toutes les fenêtres
Pétillaient dans le soir ainsi qu'un vin nouveau
Quand les portes s'ouvraient sur des villes légères
Où nous allions tous deux enlacés par les rues
Tu venais de si loin derrière ton visage
Que je ne savais plus à chaque battement
Si mon coeur durerait jusqu'au temps de toi-même
Où tu serais en moi plus forte que mon sang.
Publié par Florinette
4 juillet 2007
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![Le-petit-prince-Cannibale.png](http://idata.over-blog.com/0/41/68/30/image-couverture/Le-petit-prince-Cannibale.png)
![F.Lef--vre.png](http://idata.over-blog.com/0/41/68/30/image-ecrivain/F.Lef--vre.png)
Éditions Actes Sud, 1990, 160 pages.
Prix Goncourt des Lycéens 1990
Quatrième de couverture :
« Femme déchirée, femme déchaînée, la narratrice de ce livre est, avec toute sa passion, un écrivain qui tente de raconter l’histoire de Blanche, une éblouissante cantatrice que la mort ronge vivante. Mais elle est d’abord la mère de Sylvestre, l’enfant autiste qu’elle veut à tout prix faire accéder à la vie au monde des autres. Or « Le petit prince cannibale » en ce combat dévore les phrases, les mots de la mère écrivain. Et dès lors c’est un véritable duo concertant qui s’élève dans les pages du livre entre deux voix, entre deux femmes, l’une, superbement triviale, s’affrontant à tous les interdits et préjugés qui menacent son enfant, l’autre, la romancière, rauque et passionnée, dont les espoirs et les désespoirs se mêlent à ceux de Blanche, son héroïne. Sortant elle-même d’un long silence. »
Extraits :
« Un jour, je me suis dit que derrière ton silence, il n’y avait peut-être rien. Le vide. Ce doute a durci un peu plus le serment que je m’étais fait : te sortir de là .Te sortir de ton autisme. Le vide on va le remplir, je te le jure. »
« Face à toi, je suis face à un être qu’il faut sauver, un être enseveli sous les décombres. Un emmuré vivant. Te sortir de là. Te tirer de dessous ces pierres enchevêtrées. »
« Où vont les mots que je te murmure ? Je suis certaine qu’ils s’amoncellent quelque part. Tu me les restitueras un jour. »
Je vous livre tous ces extraits flamboyants pour bien vous montrer la puissance de ce roman inclassable où l’amour résonne dans chaque mot. Ce n’est qu’un cri, une lutte, celle d’une mère pour son enfant. Refusant de le voir s’enfermer dans son mutisme, elle se bat corps et âme pour l’en sortir en puisant toute sa force dans l’immensité de l’amour maternel. Magnifique !
Existe en poche
![Le-petit-prince.png](http://idata.over-blog.com/0/41/68/30/format-poche/Le-petit-prince.png)
![Le-petit-prince-cannibale.png](http://idata.over-blog.com/0/41/68/30/format-poche/Le-petit-prince-cannibale.png)
Le coup de coeur de Flo
Pour en savoir plus sur les autres romans de Françoise Lefèvre, rendez-vous aux Quartiers d'été de Clarabel !
Publié par Florinette
1 juillet 2007
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![Nous---tions-les-mulvaneys.png](http://idata.over-blog.com/0/41/68/30/image-couverture/Nous---tions-les-mulvaneys.png)
![j.c.oates.jpg](http://idata.over-blog.com/0/41/68/30/image-ecrivain/j.c.oates.jpg)
Éditions Stock, 1999, 737 pages.
Traduit de l’anglais (Etats-Unis) par Claude Seban.
« Nous étions les Mulvaney » cette phrase sonne comme un regret, une amertume dans la bouche de Judd, le dernier-né de cette belle famille unie, sociable, appréciée de tous et incarnant à merveille le rêve américain. « Car les Mulvaney étaient une famille qui trouvait précieux tout ce qui lui arrivait, où l’on conservait la mémoire de tout ce qui était précieux et où tout le monde avait une histoire. Raison pour laquelle vous étiez nombreux à nous envier, je crois. Avant les évènements de 1976, quand tout vola en morceaux qui ne furent jamais recollés tout à fait de la même façon. » Entre ses trois frères et sa sœur Marianne, Judd n’est que le bébé, le gosse, celui à qui l’on ne confie rien, mais qui voit tout.
Judd a trente ans, c’est un adulte maintenant qui est devenu rédacteur en chef du journal local de Chautauqua, région de son enfance. Il veut mettre par écrit ce qui s’est réellement passé, comprendre pourquoi les Mulvaney, qui étaient prêts à mourir les uns pour les autres, ont vu leur vie du jour au lendemain basculer dans l’horreur. « Ce document n’est pas une confession. Absolument pas. J’y verrais plutôt un album de famille. Comme maman n’en a jamais tenu, totalement véridique. Comme la mère de personne n’en tient. Mais, si vous avez été enfant dans une famille, quelle qu’elle soit, vous en tenez un, fait de souvenirs, de conjectures, de nostalgie, et c’est l’œuvre d’une vie, peut-être la grande et la seule œuvre de votre vie. »
En 1976, Judd a treize ans et la ferme de ses parents est un lieu magique où s’ébattent librement, sur une centaine d’hectares, les chevaux, les oiseaux, les chiens et les chats, tous ces animaux font partie intégrante de la famille. C’est une vraie maison de conte de fées qui déborde d’amour et de générosité. La réussite sociale due au travail et au mérite de chacun fait le bonheur de tous. Michael Mulvaney, cet homme robuste, bâti comme un bœuf, est un bon père de famille qui adore sa femme. Il est fier de son entreprise du bâtiment, il a trimé dur pour la monter ce qui lui vaut une réputation d’homme courageux, honnête et respectueux. Corinne, s’occupe de la ferme avec l’aide de ses enfants. Cette mère autoritaire, mystérieuse et un peu trop pieuse est une amoureuse des vieilles choses qu’elle achète aux marchés aux puces, aux ventes à l’encan pour les entasser dans un coin de la grange avec l’intention de les revendre, mais comme toute passionnée, elle du mal à s’en séparer. « C’est comme ça que je suis, une drôle de femme un peu ridicule, une femme ordinaire, une mère de séries télévisées, mais Dieu a quand même touché ma vie. »
À tous les étages, flotte une atmosphère de bonheur et de tendresse comme aime se le répéter Michael « Nous, les Mulvaney, nous sommes unis par le cœur », jusqu’au drame de la Saint-Valentin qui vient mettre un terme à cette existence idyllique que je ne peux vous révéler sans risquer de vous en dire davantage et puis quels mots peuvent résumer une vie entière, un bonheur aussi brouillon et foisonnant se terminant par une souffrance aussi profonde et prolongée ?
Gros coup de cœur pour ce roman, j’ai pris mon temps, à chaque page je le savourais et il y en a plus de 700 !!! Joyce Carol Oates explore à merveille la terrible fêlure qui petit à petit va séparer, faire éclater cette famille puritaine au comportement très paradoxal qui devient victime de son sinistre destin. Une somptueuse description sans pitié de la nature humaine!
Publié par Florinette