Éditions Les Petits Matin, 2006, 355 pages.
Présentation par l'auteur :
Un adolescent de dix-sept ans quitte le Chili de Pinochet pour recommencer une nouvelle vie à Paris. Seul, sans ressources, perdu dans une ville dont il ne maîtrise pas la langue, il est amené par les circonstances à fréquenter un restaurant chilien, où il retrouvera Laura, la femme d'un dirigeant d'extrême gauche, qu'il a rencontrée six ans plus tôt, lorsque, persécutés par la police politique, elle et son mari ont trouvé refuge chez ses parents. Une relation se noue entre ces deux personnages que tout oppose : l'âge, la situation familiale et surtout le rapport au présent. Elle, repliée sur son passé dans un pays qu'elle n'a pas choisi ; lui, tourné vers l'avenir et pressé de tirer un trait sur son passé. Mais le passé fait retour par un biais insoupçonné. Si bien que, par un ultime retournement, c'est le jeune homme qui deviendra, le dépositaire d'une mémoire collective que chacun préfère enterrer : depuis l'époque des utopies et l'engagement militant jusqu'au le coup d'état et la répression militaire, depuis l'effondrement des idéaux révolutionnaires jusqu'à la plongée vertigineuse dans le capitalisme sauvage.
Ce roman, écrit directement en français, comme si l'espagnol n'était pas encore prêt à recevoir une telle charge, nous raconte cette histoire privée.
C'est un livre qui m'a été conseillé et que je ne regrette pas d'avoir lu. Ce premier roman de Bernardo Toro nous est livré dans une prose forte et poétique, c'est un roman poignant de réalisme sur ces exilés qui ont dû fuir leur pays pour échapper au coup d'état de 1973 mené par Pinochet. Il explique l'errance de ces réfugiés qui portent leur pays comme une blessure.
Dans ce roman, l'auteur confronte deux personnages de génération différente qui vivent l'exil chacun à leur façon, l'un (l'adolescent) l'ayant choisi, l'autre (Laura) par obligation. Ils vivent leur intégration à contretemps.
Extrait :
« Ces gens-là. Laura, les autres. C'était le cas pour la plupart des exilés. Les échappées hors des frontières étaient discrètes, dès le seuil de la porte ils adoptaient un masque que leur accent leur ôtait. Beaucoup bornaient leur vie française à quelques gestes essentiels : le transport, les courses, les démarches de rigueur, quelques mots murmurés dans la cage d'escalier. "Bonjour !" "Bonsoir !" "Encore de la pluie !" Si, par enthousiasme ou lassitude, on dépassait le protocole, si par inconscience on s'aventurait au-delà, il fallait s'attendre à tout, ou à rien, surtout à rien. On rasait les murs pour ne pas prendre trop de place, on terminait écrasé par l'indifférence générale. »
Le blog de Bernardo Toro