Éditons Folio, 2004, 235 pages.
Prix Méditerranée des Jeunes en 2003,
Prix du Premier Roman de l'université d'Artois en 2003,
Prix Palissy en 2003,
Prix René-Fallet en 2003
Quelle jolie histoire ! j’ai été complètement séduite par l’écriture pleine de charme et de sensibilité de Valentine Goby que je découvre dans ce livre qui est son premier roman.
Dès les premières lignes, les premiers mots, on s’attache à Inès, cette jeune professeur qui vient de quitter sa Normandie pour s’installer à Paris enseigner l’Anglais à des chanteurs et musiciens au Conservatoire de musique de la Villette. Elle emménage au quatrième étage d’un immeuble, dans un appartement inoccupé depuis trois ans où elle fait connaissance de Mme Petit, la gardienne, qui lui vante les mérites de son logement, malgré une très mauvaise isolation phonique qui en a fait fuir plus d’un ! Elle lui affirme qu’elle sera en agréable voisinage avec Monsieur Vendello un quinquagénaire italien passionné de violoncelle et de Mozart.
Pour retrouver un peu la douceur et la verdure de sa campagne natale, elle capitonne du sol au plafond son appartement de plantes vertes et la voilà prête à affronter la vie trépidante de Paris.
Dans l’immeuble, la vie privée de Vendello suscite beaucoup de rumeur, chacun y va de confidences prétendument reçues de l’intéressé, tout le monde se captive pour cet homme trop discret. Même Inès chez qui le son du violoncelle ne dérange pas, bien au contraire, elle l’aime l’écouter, l’imaginer jouer pour elle, cette silhouette d’homme enlaçant de sa peau brune cette grosse caisse en bois, en secouant ses boucles grises à chaque crescendo. Dans ce chassé-croisé elle s’invente la vie qu’elle pourrait vivre avec cet homme au mystérieux passé de ténor.
La fin se devine au fur et à mesure de l’avancée de l’histoire et je n’ai eu qu’une envie, une fois le livre refermé, relire la lettre notée en préface que je vous livre ci-dessous.
Préface :
À Monsieur Vendello, appartement G
Monsieur,
Tout a commencé le 15 octobre dernier. Il était minuit dix lorsque vous avez sonné. Je me suis levée, j’ai traversé le salon sur la pointe des pieds. J’ignorais qui était mon visiteur du soir ; tout me portait à croire que c’était vous. À mi-chemin entre ma chambre et la porte d’entrée, une latte a grincé. Nos cloisons ne sont pas épaisses. Sans doute m’avez-vous entendue approcher.
Je ne savais presque rien de vous. La rumeur avait suffi à me bouleverser. Je craignais de vous rencontrer. J’ai attendu là, au milieu de la pièce. Il faisait froid. Je ne connaissais pas votre visage, je vous avais toujours évité. La semaine dernière encore, alors que je m’approchais du palier, j’ai entendu vos clés tourner dans la serrure. J’ai dévalé les marches, j’ai couru au bout d’un couloir pour ne pas vous croiser. Vous êtes passé sans me voir. Par précaution j’ai fermé les yeux.
Cette nuit d’octobre, vous avez attendu de longues minutes sur le palier ? La lumière du néon filtrait sous ma porte. Je ne quittais pas des yeux cette rayure blanche, une meurtrière. Quelques minutes seulement, et puis il ferait noir. Vous partiriez. La lumière s’et éteinte. Vous êtes rentré chez vous. Quand vous avez tiré la porte, je suis revenue à mon lit. Je me suis couchée. Vous aussi. Vous étiez tout proche. Nos fronts auraient pu se toucher. Nous nous sommes endormis.
Je n’ai jamais connu de vous qu’un univers sonore, où dominaient Mozart et votre violoncelle. Vous jouiez. Les voix chantaient. J’écrivais. Votre musique est dans ce manuscrit. A vous entendre j’ai eu peur de vous aimer. Je vous ai fui. J’ai écrit ce qui aurait pu être notre histoire. Ne me demandez pas pourquoi. Je ne vous demande pas pourquoi vous avez joué pour moi du violoncelle, chaque soir, pendant des mois.
Quand vous aurez terminé votre lecture, je serai devant vous, et pourtant mois vulnérable qu’au soir du 15 octobre. Je n’aurai plus rien à dissimuler, pas même de l’amour. Avec ce manuscrit, je vous rends ce qui n’a pas été. Je sais quelle serait ma souffrance si je devais vous aimer. J’y renonce.
Je ne vous demande qu’une chose. Lorsque vous aurez refermé le manuscrit, asseyez-vous près de la cloison, le violoncelle entre vos bras ; jouez pour moi l’Elégie de Fauré. Je l’espère depuis des semaines. Ce soir, elle sera mon chant de deuil.
J’attends.
Si vous aimez la couverture, sur les bons conseils de Michel, vous pouvez l'admirer sur le site de l'artiste Francine Van Hove. Bonne visite !