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10 mars 2009 2 10 /03 /mars /2009 19:11



Biographie
:


Marguerite ABOUET est née à Abidjan en 1971. Avec son frère, elle est arrivée en France en 1983, envoyée par ses parents chez un grand-oncle établi à Paris. De ce « déchirement », elle préfère ne conserver que les moments drôles. Comme le dit l’un de ses personnages, « le découragement n’est pas ivoirien »… Du courage et de la ténacité, il lui en a fallu quand, à 17 ans, elle s’est retrouvé seule avec son frère, sans-papiers, son grand-oncle, malade, étant retourné vivre en Afrique.

Après avoir passé son bac, la jeune femme multiplie les petits boulots : nounou, serveuse, opératrice de saisie, etc., tout en faisant le siège de la préfecture pour obtenir un permis de séjour. C’est alors que naît chez elle l’envie d’écrire : « Un soir, ma vieille télé a explosé, alors, pour me distraire, j’ai pris un crayon et je me suis assise devant une feuille blanche », raconte-t-elle en riant. La réalité est moins gaie. Comme elle finit par le reconnaître, elle a eu besoin de cette « thérapie » pour « ne pas devenir folle entre les quatre murs de la chambre ».

Marguerite rédige pour elle seule des histoires qui parlent de sa vie parisienne et de la ville où elle a passé les douze premières années de sa vie. À l’époque, raconte-t-elle, Yopougon était un quartier tout neuf, le royaume des classes moyennes : « Mon père était chef des ventes dans l’entreprise Sidema, ma mère directrice chez Singer. Les enfants jouaient dans la rue, tout le monde se connaissait, il y avait une grande solidarité. Je me suis dit qu’il fallait écrire tout ça pour ne pas l’oublier. »

Longtemps, les carnets de Marguerite la suivent dans ses multiples déménagements. Mais personne n’a l’occasion de les lire. Ce n’est que quelques années plus tard, alors qu’elle a depuis longtemps arrêté d’écrire, que l’envie lui vient d’exploiter ses souvenirs couchés sur le papier.

Nous sommes en 2004. Marguerite, qui a enfin été autorisée à séjourner en France, a suivi une formation en droit et trouvé un poste d’assistante juridique dans un cabinet d’avocats. Elle aime son métier, mais l’exemple de Clément Oubrerie, un ami proche qui illustre des histoires pour enfants, lui donne des idées. L’envie de reprendre la plume la démange… Elle propose donc à Oubrerie un texte sur ses souvenirs d’enfance, qu’il accepte d’illustrer. De leur collaboration naissent bientôt quelques pages d’un projet qui enthousiasme les dirigeants de Gallimard, la plus illustre maison d’édition française, qui s’apprête à créer une collection de bandes dessinées.

C’est ainsi que débutent les aventures d’Aya, qui vit à Yopougon entourée de parents et d’amis qui ne pensent qu’à aller au maquis (bar), à enjailler (séduire) les filles et les garçons et se retrouvent sans cesse dans des histoires abramalaires (compliquées) !

Librement inspirée des souvenirs de Marguerite, Aya est une ode très réaliste au quartier de son enfance, à grand renfort de nouchi, argot typiquement ivoirien, dans un décor saisi sur place par Clément Oubrerie. Bien sûr, le tableau est aussi quelque peu idéalisé. Dans le Yopougon de la jeune femme, cette « conteuse optimiste », tout finit toujours dans l’humour et la bonne humeur…

Le premier volume d’Aya paraît en 2005. Quelques mois plus tard, il est sélectionné pour le prix du meilleur premier album au festival d’Angoulême. À la grande surprise de celle-ci, Aya obtient le prix. Le jour de la cérémonie, elle se souvient « être restée assise sans comprendre pourquoi Clément voulait monter sur scène pour recevoir la récompense ». C’est le début d’une longue série de distinctions. Satisfait – on le serait à moins –, l’éditeur commande aux auteurs une suite.

Aujourd’hui, Marguerite prépare le cinquième tome des aventures d’Aya, mais aussi leur adaptation pour le cinéma. Parallèlement, elle travaille à une autre BD qui, cette fois, se passe à Paris. Et dont l’héroïne est blanche. « Rien à voir avec les Noirs, sourit-elle. Je sais aussi faire d’autres histoires ! » Elle qui s’obstine à se dire « non littéraire » a fait de l’écriture son métier.

Pourtant, quand on lui demande ce dont elle est le plus fière, elle répond que ce n’est pas d’Aya, ni même de Jules, son fils, mais « d’avoir fait venir en France [son] petit frère et [sa] petite sœur. La jeune femme soupire : « Yopougon a changé, il y a toujours la solidarité, l’ambiance, mais aussi beaucoup plus de pauvreté… »

Marguerite Abouet continue pourtant de s’y rendre régulièrement. Pour revoir ses parents, bien sûr, mais aussi pour promouvoir l’association Des livres pour tous, qu’elle a créée à Paris, l’an dernier dans le but de rendre le livre plus accessible aux enfants d'Afrique en y créant des maisons de quartier-bibliothèques. Elle espère ainsi que la première verra le jour à Yopougon.


Bibliographie :

* 2005 - Aya de Yopougon, Tome 1 - (Éditions
             Gallimard),
* 2006 - Aya de Yopougon, Tome 2 - (Éditions
             Gallimard),
* 2007 -
Aya de Yopougon, Tome 3
- (Éditions
             Gallimard),

* 2008 - Aya de Yopougon, Tome 4 - (Éditions
             Gallimard)


Dessinateur :

Clément Oubrerie, ce talentueux dessinateur, est né à Paris en 1966. Après le bac, il entame des études d'arts graphiques à l'école Penninghen, qu'il interrompt quatre ans plus tard pour partir aux États-Unis.

Il y passe deux années, exerce toutes sortes de métiers et y voit ses travaux publiés pour la première fois. De retour en France, il illustre des ouvrages pour la jeunesse, s'ouvre avec succès aux techniques numériques de l'animation et crée notamment l'univers graphique des Moot-Moot, la série télévisée d'Éric et Ramzy.

Pour Aya de Yopougon, il donne vie avec esprit et authencité au récit de Marguerite Abouet, et montre avec brio que son talent s'exerce aussi en bande dessinée. Il y prend goût et signe en 2008 une adaptation savoureuse et singulière de Zazie dans le métro, le roman de Raymond Queneau.

Clément Oubrerie est également cofondateur d'Autochenille Production, qui prépare l'adaptation au cinéma du Chat du Rabbin de Joann Sfar.


Le blog de Clément Oubrerie



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