Éditions Albin Michel, 2008, 172 pages.
Vienne 1776 - « Elle ne connaît pas la couleur du ciel ni la forme des nuages. Elle ne sait pas ce que signifient le bleu, le rouge, le pâle ou le foncé. Elle vit dans le noir, c’est le nom qu’ils ont donné à ce qu’elle décrit. »
« Ils » ce sont les médecins célèbres de la Cour qui tentent désespérément de soigner la cécité dans laquelle s’est enfermée, depuis l’âge de trois ans, Maria-Theresia von Paradis, car son père, le conseiller de l’Impératrice d’Autriche, ne parvient toujours pas à accepter son infirmité. « Lui dont l’épouse assez avenante lui a donné une fille à la beauté incontestable, lui à qui la vie n’a jamais rien refusé ne peut admettre que le destin ait pu lui jouer un tour aussi funeste. Sa fille doit guérir. Il le veut. »
Depuis, quand elle ne sert pas de cobaye, les journées de Mademoiselle Paradis se déroulent invariablement derrière un piano et malgré son handicap, elle est devenue, à 17 ans, une pianiste virtuose dont le talent impressionne l’impératrice qui lui verse une rente à vie. « Avec le temps, elle s’est convaincue que la vue est un leurre qui égare les autres sens, les rend inopérants. Tandis que les siens sont constamment aux aguets. Elle est aveugle ? La belle affaire. Elle vit dans un autre monde, et le sien lui plaît. »
Maria-Theresia, qui ne supporte plus les traitements aussi douloureux qu’inopérants que lui font subir les hommes de sciences, demande à son père, comme cadeau d’anniversaire, sa promesse de la laisser en paix. Une parole qu’il ne tiendra pas bien longtemps, car, quelques semaines après, il décide de faire appel au célèbre médecin-musicien Franz Anton Mesmer, un original, passionné, bardé de diplômes dont la réputation de mécène doublé d’un homme de science qui explore les voies marginales de la médecine par magnétisme n’est plus à faire. Mais arrivera-t-il là où tous ses collègues, qui le prennent pour un charlatan, ont
échoué ? Et si la normalité n’était pas toujours la clé du bonheur ?
L’auteur qui s’est emparé de la vie de Melle Paradis en la romançant nous offre là un joli roman symphonique. Tout en arrivant à décrire l’univers de ceux qui ont perdu la vue, interprété les sensations, les odeurs qui les entourent, elle dresse le portrait attachant d’une jeune fille brimée par des parents envahissants, mais qui ose se révolter en découvrant le monde fait de cynisme et d’amertume « une réalité qui n’est pas belle à regarder » et qui la pousse à prendre son destin en main pour enfin connaître la liberté et l’amour…
Petite information complémentaire :
Dans la vraie vie, Maria Theresia von Paradis a bien été une virtuose qui, outre sa brillante carrière de pianiste dans toute l’Europe, a composé de nombreuses pièces dont la célèbre « Sicilienne » pour violon et piano qui se joue encore aujourd’hui, mais a également rencontré Wolfgang Amadeus Mozart qui lui a dédié son dix-huitième concerto pour piano ! Incroyable non !
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