« Benoît avait emporté avec lui la question du maître. « Et moi, qu’est-ce qui me fait peur ? Les choses que je vois ou celles que j’imagine ? Ce qui existe ou ce qui n’existe pas ? »
Ce qui me fait peur, c’est elle. La femme qui marche sur la plage avec les poches pleines de cailloux. Mais…je ne la vois que la nuit, et je ne sais pas si elle existe. »
« Une nuit neuve coiffait la Bretagne trempée, la longère des Guérindel, le vieux noyer, le jardin, la balançoire, un ballon de foot crevé, des restes de feuilles mortes collées en pâte brune et filandreuse d’où émergeaient les insectes déambulant dans le noir. Quelle heure était-il ? Minuit ? Une heure ? Au clocher de Ploubalay, qui dressait sa pointe à des hauteurs inaccessibles au chat pelé qui chassait en dessous, l’horloge marquait une heure moins le quart. Les enfants Guérindel dormaient tous. Samson les poings serrés comme un boxeur, Guinoux une jambe dépliée en diagonale au-dessus des draps, Benoît enfoncé sous sa couette, ses cheveux emmêlés dissimulant ses yeux noirs et las. »
« Pendant qu’Ardélia et Lunaire déjeunaient dans la cuisine et que la forêt, le perron et les hortensias se noyaient sous un rideau de pluie, Ebenezer appela, pour savoir « quand il devait venir chercher le gosse ». Ardélia consulta son invité, et répondit à Eb qu’elle le préviendrait. Ils mangèrent des pommes de terres cuites à la cendre écrasées dans du beurre salé, et de petits artichauts fondants auxquels le garçon trouva un goût de noisette. Quand ils eurent attaqué la bouteille de cidre fermier, Ardélia reprit le fil de son récit. Lunaire était soulagé, l’insoutenable vision du mort-vivant qui le hantait s’était dissipée. »
L'ancre des rêves de Gaëlle Nohant.
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