Éditions du Rouergue, 2007, 93 pages.
À partir de 12 ans.
La narratrice a dix ans, elle habite avec ses parents et sa sœur dans un petit village où tout ce qui s’y passe se dit à haute voix sauf ce qu’il se trame derrière les hauts murs dans la grande maison de Maurice Lepoivre, le maître de ses parents, qui leur enseigne à travailler sur eux, à rester éveillés pour ne pas ressembler aux villageois.
Devenir différent que ces gens ordinaires, c’est une chance que leur offre Maurice Lepoivre, à condition de se murer dans le silence, de ne pas poser de questions, de ne rien dire aux autres, aux proches, car ils ne comprendraient pas.
Ne rien révéler, ni même le passage secret pour accéder à cette grande demeure où les jouets, les rires sont bannis, car trop ordinaire, où Maurice Lepoivre s’octroie le droit de rester en tête à tête avec des jeunes filles sur qui il porte une attention particulière, une attitude étrange aux yeux de cette gamine qui ne comprend pas, mais qui comprendra plus tard comme lui répète sa maman avec sa voix de fantôme. À force de trop réfléchir, de trop penser, elle ne sait plus, tout se mélange dans sa tête.
« Je ne sais pas si je suis d’accord quand elle dit qu’on a beaucoup de chance. Je trouve que j’ai peut-être trop de chance, je voudrais voir comment ça fait quand on en a moins. Oui, je voudrais changer avec quelqu’un qui a moins de chance que moi, pour voir. Vivre la vie ordinaire des gens ordinaires, tant pis. »
Ce petit livre est oppressant tout comme la vie de cette gamine dont le prénom n’est jamais révélé.
Sur un ton innocent, elle décrit sa vie d’enfant avec sa sœur, ses parents si souvent absents vouant une dévotion totale à leur maître.
Au début, sans vraiment savoir, elle glorifie cet abominable Maurice Lepoivre en se disant : « j’ai trop de chance » répétée comme un leitmotiv pour s’en convaincre, puis déchante à chaque fois que ses rêves d’enfants, ses amusements lui sont refusés. Et quand sa capacité à voir et à ressentir se développe au sein de cette secte, cela devient l’horreur, un appel au secours. Mais sera-t-il vraiment entendu ?
Ce court roman dense, bouleversant et réaliste, inspiré de l’histoire personnelle de l’auteur, est à conseiller aussi bien aux jeunes qu’aux adultes !
L'avis de Lily (que je remercie pour cette poignante découverte) et celui de Clarabel.