Éditions Actes Sud, 2003, 550 pages.
Traduit de l’espagnol par Marianne Millon
2006, l’art a changé, il est devenu l’art hyperdramatique. Dans ce futur dangereusement proche, les tableaux représentant des nus ne font plus recette au sein du marché pictural. Maintenant ce sont des toiles humaines, éthiques et esthétiques composées d’hommes et de femmes, peintes par des artistes qui sont proposées pour être exhibées dans les galeries d’art ou chez les collectionneurs.
Le Dieu de cet art hyperdramatique, que tout le monde s’arrache, est Bruno Van Tysch. Sa fondation est la plus grosse galerie qui expose et exporte dans le monde entier à coup de million de dollars.
Clara Reyes est modèle et elle est prête à tous les sacrifices pour que son rêve se concrétise enfin : être peinte par le grand maître Van Tysch. Tandis que son vœu le plus cher se réalise, une jeune toile appartenant à la fondation vient d’être dérobée puis retrouvée torturée et assassinée par un mystérieux meurtrier qui officie selon des rites sacrificiels étranges.
Une enquête est alors ouverte, la fondation Van Tysch est en émoi, la destruction d’une des toiles les plus célèbres et les plus chères du monde vient d’être saccagée, mais pour la police c’est avant tout le meurtre d’une adolescente de quatorze ans qui vient de se produire.
Sous une plume magistrale, ce long et dense thriller haletant m’a fait frémir. Plongée dans l’histoire, je me demandais si toute cette perversité pouvait exister, l’univers de la peinture est tellement bien décrit que la fiction devient crédible, heureusement qu’en fin de roman l’auteur explique d’où vient cette imagination ébouriffante…
Au-delà d’une trame criminelle admirablement bien maîtrisée, Somoza va plus loin, il explore la psychologie humaine avec une acuité rare dans un monde où tout n’est que voyeurisme et profit où aucune abjection ne semble impossible. Les dérives d’un monde qui, finalement, n’est pas si éloigné du nôtre. Fascinant !
Même la citation en exergue s’inscrit en guise d'avertissement :
“Le beau n’est que le commencement du terrible”. Rainer Maria Rilke
Existe en format poche
Voir aussi l'avis de Flo, Sylvie, Thom & Laurence