Dorothy Arnold, jolie fille de vingt-cinq ans - nièce d'un juge de la Cour suprême américaine et fille d'un homme d'affaires prospère - a renoncé à son indépendance et vit chez ses parents à New York.
Fille de Francis R. Arnold, un importateur de produits raffinés, Dorothy Arnold est née et a grandi à Manhattan dans une famille aisée. Après avoir obtenu son diplôme du prestigieux Bryn Mawr College, où elle s'est spécialisée en littérature, elle retourne dans sa maison familiale pour commencer une carrière d'écrivaine.
Le 12 décembre 1910, elle sort s’acheter une robe et, en début d'après-midi, rencontre un ami avec qui elle bavarde quelques instants sur le trottoir en lui disant qu’elle prévoit de traverser Central Park avant de rentrer chez elle.
Quelques instants plus tard, selon les termes d'un journaliste, Dorothy Arnold « se volatilise, disparaissant dans l'une des rues les plus fréquentées de la planète, en plein milieu d'après-midi et dans un quartier où des centaines de personnes la connaissent et où on croise un policier à chaque carrefour. »
Ne la voyant pas rentrer, ses parents, réticents à faire de la publicité sur la disparition de leur fille, commencent par interroger tous ses amis, puis font appel à une équipe de détectives privés. Six semaines plus tard, ils s'adressent à la police, qui conseille au père de la jeune fille, Francis Arnold, respectable citoyen de 73 ans, de signaler à la presse la disparition de Dorothy.
Francis Arnold déclare aux journalistes que sa fille a peut-être été assassinée à Central Park et son corps jeté dans le lac ou le réservoir. Sceptiques, les journalistes tentent d'orienter la conversation sur la vie sentimentale de Dororthy, mais le vieil homme se met en colère, maugréant contre « ces gens qui n'ont rien à faire. »
On découvre très vite le prétendant que soupçonne Francis Arnold : un gros garçon de 42 ans, George Griscom fils, qui vit chez ses parents et se fait appeler Junior. Prétextant une visite à une ancienne compagne de classe, Dorothy a passé une semaine seule avec Junior, à Boston.
Mais cette escapade n'est pas le seul grief que les parents de Dorothy nourrissent contre leur fille. Ils lui reprochent également de s'être mise à écrire et vouloir s'installer à Greenwich Village (le St-Germain des Prés américain) pour échapper à toute contrainte. Francis Arnold n'a rien voulu savoir « Les bons romanciers sont capables d'écrire n'importe où », a-t-il déclaré.
Lorsque le magazine auquel la jeune romancière s'est adressée a rejeté sa première nouvelle, sa famille s'est cruellement moquée de ses prétentions littéraires. Puis Dorothy essuie un second échec et le découragement la gagne.
C'est alors qu'elle écrit à Junior, qui séjourne en Italie en compagnie de ses parents : « Le magazine a refusé mon manuscrit. Je ne réussirai donc jamais. Je n'ai pas le moindre avenir et ne vois aucune chance de m'en sortir ». Un peu plus loin, elle ajoute : « Mère croira à un accident. » Quelques semaines plus tard, Dorothy a disparu.
Au télégramme qu'on lui a envoyé à Florence, George Griscom a répondu : « Je ne sais absolument rien ». Et au frère et à la mère de la jeune fille arrivés à l'improviste, Junior n'a apparemment rien d'autre à offrir qu'un paquet de lettres de la main de Dorothy.
En 1921, le chef du Bureau des disparitions de New York déclara que la famille de Dorothy Arnold et la police savaient depuis le début ce qu'il était advenu de la jeune fille. Mais il prétendit par la suite que ses propos avaient été mal interprétés.
En 1935, vingt-cinq ans après la disparition de Dorothy Arnold, la police recevait encore des appels de personnes affirmant l'avoir vue.
On n'a jamais su ce qu'elle était devenue. D'aucuns ont pensé qu'elle s'était suicidée ; d'autres que Dorothy avait été victime de la traite des blanches et envoyée au Mexique. On a pensé par ailleurs qu'elle était morte des suites d'un avortement pratiqué à la sauvette, ou qu'elle coulait des jours heureux à Honolulu.
Jusqu'à sa mort, Francis s'est accroché à la croyance que Dorothy avait été assassinée. « Je crois que ma fille est morte. Je crois qu'elle est morte le jour de sa disparition ou presque immédiatement après. La seule théorie à laquelle j'ai toujours penché est qu'elle a été kidnappée et enlevée en peu de temps », a-t-il déclaré au Gazette Times.
Pourtant Dorothy n'avait pas d'ennemis. Elle n'avait pas d'amants sérieux. Elle vient de disparaître sans laisser de trace dans l'une des villes les plus peuplées du monde.
Bien qu'il y ait eu de nombreuses observations rapportées de Dorothy au cours des années à venir ainsi que diverses théories et rumeurs, ce qu'elle est devenue reste un mystère.
Le lendemain de sa disparition, un spirite new-yorkais, qui a remarqué la soudaine apparition à Central Park d’un splendide cygne blanc, a prétendu que cette belle jeune fille s'était transformée en oiseau…
Sources :
- The Disappearance of Dorothy Arnold : The Unsolved Mystery of the American Socialite Who Vanished in 1910
- De mystérieuses disparitions - Time-Life, 1994